Thèse soutenue le 11 septembre 2014, à partir de 14h en salle Gaudemet, Faculté Jean Monnet.

 

DIRECTEUR DE THÈSE

M. Antoine LATREILLE

Professeur à l’Université Paris-Sud, Doyen de la Faculté Jean-Monnet

 

JURY

M. Jean-Pierre CLAVIER, rapporteur

M. Eric ENDERLIN

M. Yves REBOUL

M. Michel VIVANT, rapporteur

 

Résumé de la thèse :

Le point de départ de cette thèse tient à une interrogation sur la raison ayant poussé les législateurs américain et français ainsi que les rédacteurs de la Convention de Munich à ne pas définir de manière claire ce qui est le cœur même du droit des brevets : l’invention. 

Ce manque de précision ne saurait être appréhendé comme une simple lacune, mais comme la marque d’une attitude prudente à l’égard d’une entité qui est intimement liée au développement imprévisible des sciences et techniques. 

Bien qu’aucune définition n’ait été donnée, des indices graves et concordants laissent entrevoir une certaine idée de ce que pourrait être cette entité : une démonstration concrète d’emprise sur les forces de la nature. Cette ligne directrice imaginée lorsque l’ingénieur pouvait imposer sa volonté à la matière et la façonner à son gré se trouve mise en cause par l’apparition de nouvelles formes de créations. En effet, l’invention peut toujours être vue comme une preuve tangible de puissance technicienne quand il est question d’un appareil ménager ou d’un système de fixation, mais l’ingéniosité humaine est aussi utilisée pour concevoir des programmes informatiques ou des méthodes commerciales qui, à l’instar des machines outils, simplifient le travail de l’être humain. Dans une telle perspective, il ne paraît plus possible de retenir une seule approche de l’invention et ainsi nier la réalité. 

Le maintien d’une conception unique de cette dernière entité serait d’autant plus difficile que la maîtrise que l’homme était censé exercer sur la matière s’avère en fait moins assurée. Il suffirait  d’examiner les créations faites dans les secteurs de la chimie et des biotechnologies pour s’en convaincre. Là encore, l’idée d’une démonstration concrète d’emprise sur les forces de la nature tend encore à s’imposer puisque les chimistes et les généticiens peuvent provoquer des réactions chimiques et élaborer des molécules, mais les difficultés qu’ils rencontrent pour domestiquer la matière amènent à penser qu’une approche univoque de l’invention ne peut plus être envisagée. 

Afin de rendre compte des inflexions que la notion d’invention connaît, les travaux ont été structurés autour du concept d’autonomisation qui peut être vu, au regard des travaux de Simondon, comme un affranchissement progressif des créations de la tutelle de leur concepteur. Cette émancipation est rendue possible grâce à une meilleure connaissance des lois qui régissent la matière et permettent à l’ingénieur de mettre au point des créations qui rompent avec l’image « traditionnelle » de l’invention (Partie I). Ce savoir étant néanmoins insuffisant pour domestiquer complètement la nature, il est aussi nécessaire d’étudier le versant le plus dérangeant du phénomène d’autonomisation pour envisager toutes les conceptions possibles de l’invention au XXIe siècle (Partie II). 

 

The starting point of this thesis is the questioning on the reason why the American and French legislators, as well as the draftsmen of the Munich Convention, have not clearly defined the crux of the patent law: the invention. 

This lack of precision should not be considered as a simple flaw, but as the sign of cautiousness towards a concept that is intrinsically related to the unpredictable development of sciences and technology. 

Whereas no definition has been given, concordant factors give a sight of what this concept could be: a concrete demonstration of grip on the forces of nature. This guideline which had been designed when the engineer could impose his will on the material and design it at will is questioned by the occurrence of new forms of creation. The invention can always be seen as a tangible proof of technological power when dealing with a household appliance or a joining system; however, human ingenuity has also been used for conceiving software programs or commercial methods which, just like the tool machine, simplify the human work. Hence, it does not seem possible to adopt a single approach of the invention and thus deny reality. 

Moreover, maintaining a unique conception of the invention would be difficult since the management that human being was supposed to practice on material is, in fact, less ensured, as it is shown for instance by the difficulties that chemists or geneticists face in controlling material. Hence, a one-sided approach of the invention can not be considered. 

In order to take into account the inflexions of the concept of innovation, scientific works have been based on the idea of empowerment, which can be seen, according to Simondon’s work, as a progressive emancipation of the creations from their creators’ tutorship. This emancipation has been made possible through a better knowledge of the laws which regulate the material and allow the engineer to design creations which break the “traditional” image of the invention (Part I). However, as this knowledge was not sufficient to completely domesticate nature, it also necessary to study the most disturbing aspect of the empowerment phenomenon, in order to foresee all the possible conceptions of invention in the 21st century (Part 2).